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La vision de la durabilité est fonction de celui qui l’applique. Pour René Longet, ambassadeur de la Cité de l’Energie, l’urgence climatique demande d’appliquer les bonnes pratiques. Dès maintenant.

Le nom de René Longet rime avec une vision globale du développement durable, qu’il incarne comme président de la Fédération genevoise de coopération et de la Commission cantonale de la biodiversité. Cet ancien maire d’Onex (GE) apporte, tant par ses interventions publiques que par sa plume avertie (une vingtaine d’ouvrages très bien référencés), des éléments concrets nécessaires aux débats du XXIe siècle. Nous avons approché cet ambassadeur de la durabilité avec la question de la construction responsable. Y répondre demande de faire un pas en arrière, pour appréhender l’habitat dans un contexte plus global.

La fin d’un cycle
Avant toute chose, René Longet attire mon attention sur le fossé qui s’est créé entre l’être humain et la nature et l’inadéquation entre les besoins et les moyens. Ce qui fait qu’un pan de l’humanité reste dans la sous-alimentation et sans logement décent. Désorganisée et divisée, notre société vit une crise de civilisation. Elle semble avoir perdu tout sentiment d’appartenance au monde vivant. Les moyens techniques pour répondre à nos besoins élémentaires sont importants, mais nous courons après le superflu. Le lien social se perd, comme le sens de notre propre existence. Pour certains faire de l’argent, parfois avec n’importe quoi, aux dépens de l’environnement et de l’humain, est synonyme de «succès». Ce désarroi collectif présage la fin d’un cycle.
Nous hypothéquons chaque année davantage les ressources de la terre. Le 1er août 2018, nous avons atteint le «jour du dépassement» mondial. Pour le WWF dans son rapport «Planète Vivante», la conclusion est sans appel: «l’équilibre de la planète qui a permis à nos civilisations de prospérer pendant 11 700 années est désormais rompu». Mais comme pour toute nouvelle aussi cinglante et définitive, les premières étapes sont le déni, la colère, le marchandage… pendant que certains se convainquent qu’«il est trop tard».
 
Changer par l’urgence
Pour René Longet, le levier qui mène à changer les choses est soit le sentiment d’urgence, soit celui de déception face aux aberrations actuelles. «On détruit la forêt tropicale pour favoriser l’agriculture et l’élevage industriels, la production d’huile de palme et le trafic illégal de bois.  Avant tout, pour alimenter le fast-food mondial», souligne-t-il. «Etre habité par un sentiment d’urgence nous pousse à trouver un chemin», observe René Longet. «A sortir des ornières du manque de conviction, du respect de normes incomprises, de l’obligation de plaire au client ou à un patron». Etre dans l’urgence, c’est se structurer, poser des actions concrètes et efficaces en face des objectifs que nous nous fixons.
Les 17 Objectifs du Développement Durable de l’ONU et les 169 sous-objectifs définissent un cadre et des priorités pour qui veut suivre un canevas défini à l’échelle mondiale. Les autorités y répondent notamment en termes de solidarité et en termes d’engagements pour réduire notre empreinte environnementale, individuellement et collectivement. Ces objectifs ouvrent aussi des potentiels économiques juteux pour les investisseurs, avec un argumentaire prêt à l’emploi.

La société prend un virage important pour sortir de l’ère du gaspillage. Certains sont sortis du rêve pour passer à l’action. Certains commercent sans participer à la fuite en avant, en redéfinissant la rentabilité en termes écologique, économiques et sociaux. Les premiers pas sont faits pour «revoir fondamentalement la manière dont nous appréhendons la réussite économique et comment nous percevons la santé et le bien-être»1.

Nous passons 80% de notre temps dans une construction, alors autant que cet environnement soit sain, fonctionnel, peu énergivore et également agréable à vivre.



Construire une société durable
Aller vers un habitat durable s’inscrit dans le sens d’un projet commun de société durable. Selon les termes de René Longet, concevoir un habitat durable demande de repenser l’aménagement intérieur, le bâtiment et sa position sur le territoire de manière à obtenir des constructions à prix abordables où l’on se sent bien et de faire en sorte que ces logements contribuent à réduire notre empreinte écologique. Ce simple énoncé fait référence à des dizaines de concepts et de chiffres référencés et synthétisés par l’auteur dans son livre «L’habitat durable existe. Nous l’avons rencontré!» co-écrit avec Muriel Lardi. Le concept de propriété s’est lui aussi élargi, s’ouvrant à des coopératives d’habitation, à des solutions d’habitat communautaires et intergénérationnelles «qui ne laissent personne au bord du chemin». Le mot d’ordre est de fédérer, rassembler, intégrer la diversité, le tout dans un cadre harmonieux.

Bâtir proprement
Le bâtiment est le point de contact entre le territoire et l’homme. Nous passons 80% de notre temps dans une construction, alors autant que cet environnement soit sain, fonctionnel, peu énergivore et également agréable à vivre. Sa fonction première est de nous protéger. Nous y dormons, y partageons des moments avec notre cercle social, y travaillons également. La qualité de notre habitat a un impact direct sur notre bien-être. Choisir un habitat est devenu un geste citoyen.

La technologie et la connaissance de l’habitat et de la construction, fondées sur un long historique, nous permettent de choisir le meilleur pour bâtir en conscience. Néanmoins, les bonnes pratiques tardent à se généraliser. Les bâtisseurs du XXIe siècle sont aidés par des normes de performance énergétique et environnementale, ils ont aussi la liberté d’aller plus loin dans la démarche. Concilier bien-être, convivialité et esthétique du bâti apporte un supplément d’âme et de qualité.

Du côté des normes, des organisations faîtières comme la SIA ont ouvert la voie (recommandation bâtir durable SIA 112/I). Ce qui constitue un important tournant pour le secteur. Le législateur avance aussi, mais un peu trop lentement face à l’urgence de la situation. Si la Confédération est partie prenante de la transition énergétique, les politiques craignent par-dessus tout de déclarer un état d’urgence qui impliquerait interdictions, restrictions et mesures de rationnement, supposées impopulaires. Ainsi chaque citoyen est placé devant sa propre responsabilité, avec son choix de s’engager dans un effort collectif.


1. http://awsassets.wwfffr.panda.org/downloads/27102016_lpr_2016_rapport_planete_vivante.pdf

2. https://www.eda.admin.ch/post2015/fr/home/agenda-2030/die-17-ziele-fuereine-nachhaltige-entwicklung.html