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Le calvaire méconnu de Justo Gallego, l’homme qui a consacré 60 ans de sa vie à bâtir seul une cathédrale de ses mains avec des matériaux de récupération dans la banlieue de Madrid. Il s’est éteint le 30 novembre dernier, voici son histoire.

C’est en jeune agriculteur pieux et végétarien que Justo Gallego rejoint en 1939 le monastère de Santa Maria de Huerta au Nord ouest de Madrid, afin d’y devenir moine. Atteint de tuberculose à l’âge de 36 ans, il décide pour le bien de tous de partir. Il a en même temps hérité d’une parcelle de terrain à Mejorada del Campo, dans la banlieue proche de Madrid, et fait le voeu d’y construire une cathédrale en l’honneur de la Vierge Marie s’il survit à la maladie. Sa santé s’améliore et il pose la première pierre de son projet le 12 octobre 1961.

Autodidacte
Le style roman est selon lui le plus beau style architectural, il commence donc à construire dans cet esprit, sans plan défini ni écrit. C’est en se consacrant à son oeuvre qu’il s’instruit en étudiant des livres sur les églises les châteaux médiévaux, principalement en latin. Après quelques années, la cathédrale émerge grâce aux techniques de constructions uniques et impressionnantes que Justo a développées pour pallier aux défis soulevés par le fait qu’il travaille généralement seul. Il utilise principalement des matériaux recyclés et autres outils de fortune comme des pneus en caoutchouc, des conteneurs de déchets chimiques donnés par une entreprise chinoise. Les usines voisines lui fournissent la majeure partie de son matériel.

C’est en se consacrant à son œuvre qu’il s’instruit en étudiant des livres sur les églises les châteaux médiévaux, principalement en latin

Grâce à tout cela et à de nombreux dons, sa cathédrale prend entièrement forme en 1992. Six années plus tard, son assistant principal, le bien nommé Angel, le rejoint et donne ainsi un énorme coup de pouce au projet. Ce dernier travaille sur les fenêtres, la décoration et les sols, tandis que Justo continue son travail sur les tours et le dôme.

Le travail acharné de Justo a commencé à le faire connaître au delà des frontières ibériques. Ainsi, en 2004, l’architecte autodidacte est invité à sa première participation à une exposition à l’étranger, le Real Royal Trip au New York MoMA (Museum of Modern Art). Cette attention amène une société espagnole de boissons gazeuses, Aquarius, à lui proposer en 2005 une campagne publicitaire qui lui procure en échange les fonds pour la poursuite de la construction. Le succès populaire de la campagne incite le public à s’intéresser au travail incroyable de Justo. Au cours des années qui suivent, plusieurs documentaires sont réaliséset et de nombreuses interviews sont accordées à la presse et la télévision du monde entier.

La « cathédrale Nuestra Señora del Pilar ou « cathédrale de Justo ». Cruccone / Wikimedia [CC BY 3.0]

La cathédrale menacée
Malgré ces succès, la cathédrale est mise en péril, menacée à plusieurs reprises de démolition. Jugé dangereux, l’Eglise catholique refuse d’acquérir l’édifice. Pourtant, jamais aucune pierre ne s’en est détachée, comme l’affirme Justo. En 2017, c’est le New York Times qui présente son œuvre, ce qui fait augmenter le nombre de visiteurs.

Une jeune startup britannique basée à Liverpool, Scan and Make, prend contact avec Angel en 2018 pour y organiser des expositions artistiques et technologiques. Le partenariat qui en résulte permet à Justo et Angel de collecter des fonds pour sécuriser et terminer le bâtiment.

2019 voit le rêve de la vie de Justo se réaliser, puisque la première messe officielle a lieu dans la cathédrale, baptisée Nuestra Señora del Pilar, alors que la plupart des sols en marbres ont été achevés. Deux années plus tard, Justo, le maçon de Dieu, rejoint son créateur à l’âge de 96 ans, laissant à son fidèle compagnon Angel, le soin de diriger la finalisation des travaux avec l’aide des nombreux volontaires que sa foi et sa tenacité ont suscités.