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Les spécialistes avaient annoncé que la pandémie allait causer une hécatombe en Afrique. Mais aujourd’hui, le continent qui représente 17 % de la population mondiale ne compte que 2 % des personnes mortes du coronavirus.

Quand les premiers cas de coronavirus ont commencé à atteindre le continent africain, beaucoup ont prédit une situation catastrophique avec des structures hospitalières peu et mal équipées, dépassées et incapables de répondre aux besoins des patients qui affluent en masse.

Des experts ainsi que les instances onusiennes ont alors appelé l’Afrique à «se préparer au pire». L’OMS avait estimé entre 83 000 et 190 000 décès et entre 29 et 44 millions de personnes infectées. Dans la foulée, l’organisation mondiale a ainsi publié en mars un rapport avec des prévisions alarmantes. «Il y aurait 3,6 à 5,5 millions d’hospitalisations dues au covid-19, dont 82 000 à 167 000 de cas graves nécessitant l’administration d’oxygène, et 52 000 à 107 000 de cas critiques requérant une assistance respiratoire, estimait le rapport. Un nombre aussi important de patients hospitalisés mettrait à rude épreuve les capacités sanitaires des pays. Une enquête sur les services de santé, entreprise en mars 2020 sur la base des déclarations faites par 47 pays africains, a révélé qu’il y avait en moyenne neuf lits d’unité de soins intensifs par million d’habitants.»

Quatre mois plus tard, un constat s’impose: ce continent, qui représente 17 % de la population mondiale, ne compte que 2 % des morts du coronavirus. «Jusqu’à présent, le nombre de cas signalés est plus faible que ce que l’on craignait», a admis Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU.

Pour expliquer cette résistance de l’Afrique au coronavirus, plusieurs pistes sont avancées. La principale est la jeunesse de sa population ainsi que son habitude à devoir faire face à des épidémies. «Il y a des facteurs sociaux et environnementaux qui ralentissent la transmission. Et une population plus jeune ayant bénéficié du contrôle des maladies transmissibles telles que le VIH et la tuberculose qui la rend moins vulnérable», analyse le Dr Socé Fall, sous-directeur général de l’OMS, chargé des interventions dans les situations d’urgence.

Des efforts importants ont également été consentis pour multiplier les tests. «Au départ, il n’y avait que deux pays qui pouvaient détecter la maladie: l’Afrique du Sud et le Sénégal. Aujourd’hui, pratiquement tous les pays sont en mesure d’effectuer des tests et ça c’est important», a ajouté le Dr Socé Fall de l’OMS. Du nord au sud du continent, beaucoup de pays ont appliqué des mesures de confinement pour limiter les contacts entre les individus et éviter les manifestations populaires. Ce qui a freiné potentiellement la vitesse de propagation du virus.

Au 9 août, selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine, le continent comptait 22.491 décès confirmés et 705.016 guérisons pour 1.022.084 cas enregistrés. L’Afrique du Sud est le pays le plus touché avec 553 188 cas déclarés et 10 210 morts. Ce pays est suivi par l’Egypte qui compte 95 314 cas confirmés dont 4 992 morts.

Mais au début du mois de juin, quand la barre des 200 000 contaminations a été atteinte, l’OMS a lancé un nouveau cri d’alarme. «La vitesse à laquelle le nombre de cas confirmés de covid-19 a doublé en moins de 20 jours montre l’accélération de la propagation du nouveau coronavirus sur le continent. « Il a fallu 98 jours pour atteindre la barre des 100.000 cas et seulement 18 seulement pour franchir celle des 200.000. Même si les cas enregistrés en Afrique représentent moins de 3% du total mondial, il est clair que la pandémie s’accélère», a souligné la Dresse Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique.

Autre particularité de la pandémie sur sol africain, elle reste concentrée dans les principales villes notamment dans les capitales, même si de plus en plus de cas apparaissent dans les provinces. L’Afrique se signale également par la concentration des infections. «Dix des 54 pays d’Afrique » recensent 80% des cas, et l’Afrique du Sud à elle seule 25% d’entre eux. Autre fait remarquable, 70% des décès sont enregistrés dans seulement cinq pays: Afrique du Sud, Algérie, Nigeria, Égypte et Soudan.

S’il est possible que certains cas asymptomatiques ou légers passent sous les radars, l’OMS ne pense pas qu’un nombre important de cas graves ou de décès ne soient pas comptabilisés en Afrique. La relative jeunesse de la population africaine comparée à celles d’autres continents, et l’expérience acquise dans la gestion d’autres épidémies ont été citées parmi les raisons expliquant le taux de décès en Afrique, inférieur à celui d’autres continents.

«Avant que nous ayons accès à un vaccin efficace, je crains que nous devions vivre avec une hausse constante dans la région, avec des foyers à gérer dans de nombreux pays, comme c’est le cas actuellement en Afrique du Sud, en Algérie, et au Cameroun, qui nécessitent de très fortes mesures de santé publique», a encore ajouté la Dresse Matshidiso Moeti.