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La récente décision de l’OFS de faire passer les communes de Surses et Muntogna da Schons de la Suisse romanche à la Suisse alémanique a été largement relayée par la presse nationale. Toutefois, cette étude qui ne tiendrait pas compte de la réalité sur place a provoqué la colère des autorités locales, une réaction qui est jusqu’à présent passée complètement inaperçue dans le reste de la Suisse.

Mardi dernier, l’Office fédéral de la statistique (OFS) annonçait que les deux communes grisonnes de Surses (2400 habitants) et Muntogna da Schons (400) n’étaient plus considérées comme faisant partie de la Suisse romanche, mais de la Suisse alémanique, la majorité de leurs habitants parlant le suisse-allemand. Cette nouvelle détonne, trois semaines après l’accession à la présidence du Conseil national du romanche Martin Candinas, qui déclarait vouloir mettre sa langue natale au centre de son mandat de premier citoyen du pays. 

La réduction territoriale de la plus petite des quatre langues nationales du pays (0,5% de la population) a été largement relayée par la presse des trois principales régions linguistiques, dont la RTS. Les médias soulignent toutefois que « même si les Romanches perdent des communes, ils sont toujours autant à parler cette langue, soit environ 40’000 », chiffre stable « depuis des décennies », selon l’OFS.

Avec le passage de ces deux communes sises dans la partie centrale des Grisons, il ne subsisterait plus que deux derniers bastions du romanche, la Haute-Surselva à l’extrémité ouest du canton, et la Basse-Engadine, à l’extrémité est, soit quinze communes. Situation qui ne ferait qu’aggraver le morcellement continu du romanche, qui était jusqu’à la fin du XIXe siècle la langue majoritaire du canton mais qui sous la pression constante de l’allemand n’est aujourd’hui parlé plus que par 20% des 198’000 habitants des Grisons. 

Alors, fin de partie pour le romanche ? Que nenni, du moins en ce qui concerne Surses et Muntogna da Schons. Il s’agirait d’un grand malentendu, qui a passablement irrité les habitants et les autorités des deux communes. 

Pour la Lia Rumantscha, l’OFS « a provoqué une grande irritation » et n’a pas tenu compte de la loi sur les langues du canton des Grisons, qui stipule que les communes qui comptent au moins 40% de locuteurs romanches sont considérées comme unilingues dans cette langue.

Aucune conséquence réelle sur les communes 

La RTR (la radio-télévision romanche) rapporte que pour Leo Thomann, le président de commune de Surses, les chiffres de l’OFS ont été une telle surprise, « qu’il a du écouter deux fois lorsque il a entendu la nouvelle à la radio ». En effet, le nombre de locuteurs romanches n’a pas diminué dans ces villages, et les romanchophones constituent toujours 56,4% des habitants de Muntogna da Schons et 50,6% de ceux de Surses, selon des chiffres de l’OFS repris par la RTR

Leo Thomann explique ainsi que « si l’allemand domine dans cette étude statistique, c’est seulement parce que l’enquête compte aussi les personnes romanches comme germanophones ». Une première raison est qu’il est possible pour l’OFS de mentionner plusieurs langues comme langue principale, la seconde est que la majeure partie de la population romanche est également bilingue en suisse allemand. De plus, la méthode de l’OFS est basée sur des échantillons statistiques dont les résultats sont ensuite étendus à tous les habitants d’une communauté. Ces chiffres ne sont donc qu’une estimation. 

Pour le maire de Surses, la décision de l’OFS n’aura aucune conséquence sur la vie réelle de la commune, dont l’enseignement se fait toujours en romanche. Même son de cloche pour Marco Dolf, président de Muntogna da Schons, qui ne prévoit aucune conséquence pour sa commune. 

Les réactions les plus virulentes sont venues de la Lia Rumantscha, la principale organisation linguistique et culturelle romanche, qui demande à l’OFS une rectification. Pour l’organisation romanche, l’OFS « a provoqué une grande irritation » et n’a pas tenu compte de la loi sur les langues du canton des Grisons, qui stipule que les communes qui comptent au moins 40% de locuteurs romanches sont considérées comme unilingues dans cette langue. 

Andreas Gabriel, secrétaire général par intérim de la Lia Rumantscha, explique que « la présence d’une majorité germanophone dans une commune n’entraîne pas automatiquement un changement de région linguistique. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, même pas à travers une statistique de l’OFS ». Ainsi, malgré tout le battage médiatique dû à ce malentendu, Surses et Muntogna da Schons sont toujours solidement ancrées dans le monde romanche. 

Le premier citoyen Martin Candinas n’a, quant à lui, toujours pas réagi à la polémique. 

Pourcentage de la population parlant le romanche dans les communes grisonnes. Muntogna da Schons (1) en compte 56,4% et Surses (2) 50,6%. Image ©RTR

Auteur: Félix Portaz