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Serge Dal Busco, Vice-Président du Conseil d’Etat chargé du département des infrastructures, nous explique les enjeux et les atouts du Léman Express, à l’aube de son inauguration

Depuis quelques années déjà, nous entendons beaucoup parler du Leman Express. Pouvez-vous revenir brièvement sur ses enjeux et sa couverture géographique?

Serge Dal Busco : Le 15 décembre 2019, nous allons inaugurer le plus grand réseau ferroviaire transfrontalier d’Europe. Ce réseau va bouleverser les habitudes en matière de mobilité à Genève et dans la région. Imaginez : 230 km de rail et 45 gares réparties entre Genève, Vaud et la France voisine. Des trains toutes les quinze minutes entre Coppet et Annemasse, des connexions fréquentes pour Evian, Annecy ou Bellegarde, la possibilité de rejoindre Lausanne ou le Valais depuis la gare des Eaux-Vives. Ces infrastructures vont enfin nous mettre au niveau des grands centres urbains de notre pays comme Zurich. Quand je dis que c’est une révolution, je n’exagère pas! 

Un chantier régional tel que celui du CEVA/le Léman Express a pris racine dans un réseau de partenaires locaux, régionaux et suprarégionaux. 

Le nouveau réseau implique les opérateurs CFF et SNCF, avec leur filiale commune Lémanis chargée de l’exploitation, les autorités, les cantons de Genève et de Vaud, ainsi que la Confédération et, côté français, la région Auvergne Rhône-Alpes et les collectivités départementales et du Grand Genève. C’est un dispositif d’une grande complexité, qui a connu parfois d’inévitables accrocs, mais qui a permis de faire aboutir cet énorme projet grâce à la volonté et à la compétence des uns et des autres. 

Peut-on considérer cette collaboration comme une étape du «Grand Genève»?

Le Grand Genève existait heureusement déjà et comptait de nombreuses avancées à son actif. Le Groupement local de coopération transfrontalière qui est son organe de gouvernance, actuellement présidé par mon collègue Antonio Hodgers, a été créée en 2012. Ses structures ont eu l’occasion de faire la preuve de leur bon fonctionnement à travers ce projet d’une dimension inédite, qui a certainement pour effet de consolider durablement la coopération régionale. Le Léman Express jouera d’ailleurs le rôle d’un véritable trait d’union au sein du Grand Genève. Les entités de la région et leurs institutions s’en trouveront plus fortes et plus proches. 

Où en est le projet à ce jour, du point de vue mobilité/infrastructures?

Les réseaux de transports publics connexes seront intégralement réorganisés pour accompagner le nouveau réseau ferroviaire. En particulier, sur le canton, le réseau tpg a été adapté et le sera encore afin de renforcer l’attractivité des transports collectifs en diminuant les temps de parcours grâce aux combinaisons bus + train.

Le concept qui prévaut dans le plan d’action des transports collectifs 2020-2024 implique que chaque commune devra bénéficier d’un rabattement sur une gare du Léman Express. À terme, l’extension de notre réseau de tramways, ainsi que la création de lignes de bus à haut niveau de service viendront renforcer encore l’attractivité des transports publics. S’agissant des gares, les finitions sont en cours. Un accent fort sera mis sur la signalétique et l’accompagnement des voyageurs durant les premières semaines de mise en service. Certains chantiers seront encore en cours au moment de la mise en service du réseau, notamment pour la réalisation des zones commerciales. Tout ne sera pas encore parfait, mais du point de vue du réseau ferroviaire, le dispositif sera parfaitement opérationnel pour le 15 décembre prochain. 

Quid du débat autour des parkings prévus aux abords des gares principales? Subsiste-t-il des freins? 

Du côté genevois, le programme de P+R est tenu. Plus de 3000 places seront à disposition autour des différentes gares. On n’oublie pas les cyclistes : près de 5000 places sont planifiées dans les diverses vélos-stations installées près des gares. Du côté français, il subsiste quelques retards. J’ai fortement rendu attentives les autorités de nos voisins quant à la nécessité d’accélérer le programme, et je crois que le message a été entendu. Il y a désormais une réelle volonté de faire en sorte que les automobilistes, notamment pendulaires, soient incités à prendre le nouveau train. Tout ne sera pas terminé en décembre, certaines réalisations seront achevées dans les deux années suivantes. Mais le réseau fonctionnera. Grâce à son efficacité et aux tarifs proposés, il sera immédiatement attractif. 

Un seul billet ou abonnement permettra de combiner le Léman Express et l’ensemble des transports urbains des villes inclues dans le périmètre de tarification

La ligne 61 relie la gare Cornavin à Annemasse. Quels sont les avantages supplémentaires qu’offrira l’arrivée du CEVA?

La ligne 61 sera supprimée car elle n’aura plus de raison d’être. Le Léman Express amène en effet une tout autre dimension! Sur ce réseau, ce sont environ 50 000 voyageurs par jour qui pourront circuler. De quoi faire potentiellement diminuer la charge du trafic à Genève de quelque 12 %, soit nettement plus que ce que l’on constate en plein mois d’août! Et puis, s’agissant d’Annemasse, n’oublions pas que parallèlement au Léman Express, décembre 2019 verra aussi la mise en service du nouveau tramway transfrontalier, qui offrira une autre alternative de transport efficace. A celle-ci s’ajoute encore la Voie verte pour la mobilité douce, dont le succès a été immédiat dès sa mise en service au printemps 2018. Cette voie doit désormais être prolongée en vue de constituer un axe traversant le canton. 

Cérémonie du percement du tunnel du Champel, le 8 juin 2017

Quel était le budget planifié au départ? Le cadre financier sera-t-il respecté à la fin des travaux, prévus en décembre?

La direction du CEVA présentera prochainement son bilan final. Selon les dernières projections, le budget a été pratiquement tenu, une véritable performance pour un projet d’une telle dimension (plus de 1,5 milliard de francs côté genevois) et comportant autant de risques et de complexités! On ne peut que féliciter chaleureusement la maîtrise d’ouvrage et l’ensemble des entreprises qui ont permis cette formidable réalisation. 

Quelles sont les innovations technologiques mises en place sur le réseau CEVA/Léman Expres?

S’agissant des trains, la question doit être posée à l’exploitant du réseau, la société Lémanis. Mais je puis vous affirmer que tous les efforts ont visé à assurer un confort optimal pour les voyageurs, avec toutes les prestations que l’on attend de nos jours, une forte attention aux contraintes des personnes en situation de handicap et un soin particulier pour les toilettes ou la conception des espaces. Au-delà des trains eux-mêmes, on s’emploie aussi à offrir les meilleures prestations en matière de tarifs, d’interface avec les autres transports publics, de lisibilité des horaires, d’accueil ou de signalétique dans les gares. Les gens doivent notamment comprendre qu’un seul billet ou abonnement permettra de combiner le Léman Express et l’ensemble des transports urbains des villes inclues dans le périmètre de tarification. 

De quelle manière cette nouvelle mobilité entraînera-telle la croissance économique régionale?

Je parlerai d’abord du gain majeur en termes de qualité de vie que nous pouvons espérer. Et cela induit un effet positif sur l’économie. J’ai toujours dit qu’à mes yeux, une bonne mobilité est un facteur d’attractivité économique. En diminuant le trafic sur les routes grâce à des alternatives efficaces, nous libérons la chaussée pour l’ensemble des transporteurs professionnels. Les entreprises savent parfaitement les sommes qui sont perdues à cause des heures passées par leurs véhicules dans les bouchons et les encombrements. Nous les incitons aussi à ne plus offrir massivement des places de stationnement gratuites à leurs employés, afin de pousser les pendulaires à changer de moyen de transport. C’est dans l’intérêt des entreprises de ne pas contribuer par l’offre de parkings gratuits au problème dont elles subissent les conséquences! Mon département collabore étroitement avec les milieux économiques et les entreprises pour les aider à mettre en place des plans de mobilité qui vont dans ce sens. Et je crois que nous sommes aujourd’hui tous sur la même longueur d’ondes. 

En dehors du Léman Express, quels sont les autres chantiers en cours?

Nous nous trouvons dans une période d’intense activité, due pour une grande part au rattrapage de ce qui n’a pas été accompli au cours des trente dernières années. Ainsi, rien que cette année on dénombre une cinquantaine de chantiers qui ont un impact notable sur la circulation. Nous avons récemment communiqué à ce sujet, en toute transparence, car les citoyens ont droit à cette information, même si elle n’est pas des plus plaisantes à transmettre. Certains de ces chantiers sont en lien avec la mise en service du Léman Express, d’autres avec la mise en œuvre de la loi sur la mobilité cohérente et équilibrée, votée par le peuple, qui prévoit notamment la réalisation d’une moyenne ceinture fluide pour le trafic automobile et une priorité aux transports publics et à la mobilité douce dans le centre. Ces chantiers, on s’efforce de les coordonner au mieux et d’en minimiser les impacts. Malgré tout, ils créent évidemment des irritations. Mais on doit aussi les considérer comme un signe de grand dynamisme. Car nous sommes en train de construire la Genève de demain, avec de gros moyens et une forte volonté. Et le but, c’est un cadre de vie plus agréable, moins stressant pour se déplacer, plus respectueux de l’environnement aussi. En somme, les chantiers sont nécessaires pour améliorer une situation qui est largement insatisfaisante, et on ne peut pas à la fois vouloir améliorer ce cadre et refuser de faire ce qui est nécessaire pour cela!