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Représentant de la troisième génération à la tête d’Alberti Ingénieurs SA, Patrick Alberti dresse le portrait d’une entreprise qui se signale par une polyvalence lui permettant de réaliser tous les types de projets, des plus simples aux plus complexes, comme dernièrement le Collège de Béthusy à Lausanne. Que ce soit dans la construction, la transformation ou la rénovation de bâtiments d’habitation, scolaires, commerciaux et industriels, en soixante ans d’existence, le bureau d’ingénieurs lausannois s’est fait une renommée qui lui permet de jouer « dans la cour des grands » en Suisse

D.P. : Monsieur Alberti, rappelez-nous l’aspect familial qui marque votre histoire.
Patrick Alberti  : Alberti Ingénieurs, c’est d’abord et avant tout une histoire familiale sur trois générations… Nous sommes présents dans le bassin lémanique depuis plus de 60 ans. Alberti Ingénieurs SA a été fondée au début des années 1960 par mon grand-père, ingénieur-constructeur diplômé de l’Université de Lausanne en 1928. Il revenait d’Égypte, où il s’était expatrié pendant un peu plus de 30 ans, et par mon père, jeune ingénieur formé sur les bancs de l’EPUL (NDLR : Ecole polytechnique de l’Université de Lausanne). Quelque temps après ma formation à l’EPFL, j’ai rejoint la société en 1987 pour reprendre sa direction une dizaine d’années plus tard.

Vous définissez Alberti Ingénieurs SA comme une entreprise à taille humaine. Comment cela se traduit dans les rapports au sein de votre entreprise comme avec vos clients et vos fournisseurs ?
J’ai toujours visé à obtenir et à garder une équipe de collaborateurs soudés qui fonctionnent en groupe et qui soient au courant de tous les projets, même partiellement, afin qu’ils puissent aisément se substituer les uns les autres lors des absences pour cause de vacances, maladie ou service militaire. Cette manière de fonctionner amène une véritable émulation et une très grande souplesse dans le traitement de nos mandats et je crois savoir que c’est aussi apprécié par nos clients.

Nous sommes une entreprise formatrice et sommes très heureux et fiers d’avoir pu accompagner, à ce jour, plus de 50 apprentis dessinateurs en génie civil jusqu’à l’obtention de leur CFC. Nous formons aussi en permanence des stagiaires ingénieurs, dont la plupart sont des étudiants en génie civil dans les EPF.

Vous couvrez un large spectre du métier d’ingénieur de la construction. Décrivez quels sont vos points forts, ainsi que vos expériences en collaboration avec les architectes et promoteurs suisses ?
Notre bureau est actif dans la construction, la transformation et la rénovation de bâtiments d’habitation, publics mais aussi industriels. Nous maîtrisons les structures tant en béton qu’en acier ou en bois. Près du tiers de nos mandats concernent des transformations lourdes. Nous sommes également en mesure de proposer nos services pour des travaux spéciaux de fouille ou de fondation. Il nous arrive aussi fréquemment d’être mandatés par des tribunaux ou par le juge de paix pour réaliser des expertises dans des cas de litiges ou de dommages causés chez des tiers lors de travaux.

Dès l’apparition du BIM (NDLR: Building Information Modelling ou Modélisation des Informations de la Construction), nous avons voulu être en tête du train et avons investi en conséquence dans les logiciels dédiés et la formation de nos collaborateurs. Tous nos projets sont traités de manière à être compatibles BIM si le client le demande, et c’est de plus en plus souvent le cas pour les projets d’une certaine importance. Je pense pouvoir dire que cela nous vaut de jouer dans la cour des grands. Nous sommes de plus en plus mandatés pour des projets d’envergure où le BIM est imposé.

Le nouveau collège de Béthusy, à Lausanne (VD)

Vous avez récemment collaboré sur le projet d’extension du Collège de Béthusy à Lausanne. En quoi cette réalisation est innovante et originale ?
Nous sommes fiers d’avoir contribué à la réalisation de ce projet. Comme vous le savez, les communes sont confrontées au manque endémique de places dans les écoles. Lausanne ne fait pas exception. Ainsi le Service des écoles primaires et secondaires de la Ville de Lausanne a organisé un concours architectes-ingénieurs pour créer 12 classes supplémentaires au Collège de Béthusy. Nous faisions équipe avec le bureau d’architectes Esposito & Javet et avons eu la chance d’obtenir le premier prix.

Peu après de début du mandat, ce n’était plus 12 mais 16 classes qui devaient être réalisées. Ce qui impliquait l’ajout d’un étage supplémentaire au projet avec tout ce que cela implique comme demande d’autorisation complémentaire et, pour nous, la recalculation de tous les porteurs verticaux ainsi que les fondations.

Le maître d’ouvrage avait signifié son désir de construire avec son propre bois, provenant de ses forêts. Il a fallu organiser les filières et la traçabilité depuis l’abattage jusqu’à la fabrication des piliers, parois et dalles préfabriquées, en passant par le sciage en lamelles et les différents transports, tout en demeurant compatibles avec la législation sur les marchés publics.

Comme vous le savez, les exemples de bâtiments en bois sur plusieurs niveaux, jusqu’à 10 voire 15 pour le record actuel en Suisse, se multiplient. Avec ses 5 niveaux, ce nouveau bâtiment scolaire est une première en Suisse.

Chantier de la transformation de l’EMS La Colline à Chexbres (VD)

Alberti Ingénieurs est impliqué actuellement dans la transformation de l’EMS La Colline, à Chexbres (VD). Au-delà des aspects techniques du projet, à quels défis logistiques vous devez faire face?
Il était clair pour les architectes – LVPH Architectes – comme pour nous que l’intervention sur un bâtiment patrimonial existant, situé au cœur du Lavaux, devait se faire dans le respect et la sauvegarde de sa spécificité. Ici, comme pour la plupart des extensions de ce type, tous les travaux sont planifiés afin de minimiser les nuisances pour les résidents, plus particulièrement le bruit et la poussière.

Les travaux ont commencé par le nouveau parking souterrain au nord du bâtiment existant afin d’assurer les places nécessaires au personnel et aux visiteurs. Ensuite, l’extension pouvait commencer avec son lot de travaux spéciaux de reprises en sous-œuvre, de parois ancrées et de minage de la roche dure. En parallèle, la transformation du bâtiment existant pour créer la liaison avec l’extension était réalisée. Le solde des travaux, notamment la surélévation du bâtiment existant, aura lieu cette année, dès que les résidents pourront déménager dans les nouveaux locaux de l’extension.

Comment la place du métier de l’ingénieur (civil et de la construction) a-t-elle évolué en Suisse, si l’on se réfère aux soixante dernières années depuis la fondation de la société par votre grand-père ?
Au début, la demande en infrastructures routières était gigantesque, car il fallait rapidement créer le réseau des premières autoroutes. Avec le relief accidenté de notre région, il y avait bon nombre d’ouvrages d’art à construire. La demande de logements était aussi très forte en raison du baby – boom.

Dès l’apparition du BIM, nous avons voulu être en tête du train et avons investi en conséquence dans les logiciels dédiés et la formation de nos collaborateurs.

Patrick Alberti

Quelles sont les nouvelles donnes technologiques que vous avez dû intégrer ?
Actuellement, le tout à l’automobile est terminé. On assiste à une augmentation de la demande en transports publics, afin d’aider à décongestionner le trafic routier urbain et périurbain. Concernant l’habitation, nous avons pris conscience de la raréfaction des terrains à construire et essayons de densifier là où cela est possible, par exemple en surélevant d’un ou deux étages des bâtiments existants. Nous vivons actuellement à l’heure des grands projets d’habitats groupés, avec une démarche participative des habitants dès le début. Ce qui permet, entre autres, de limiter les oppositions et d’accélérer le processus. Aujourd’hui, la société numérique avance à grands pas et nous n’y échappons pas. Cela facilite la transmission de l’information, mais le volume de données à traiter devient tout simplement énorme.

L’évolution des outils informatiques a grandement fait progresser le métier mais le contrôle et les compétences humaines restent indispensables. En effet, l’incroyable développement de la puissance de calcul des PC permet de simuler avec précision le comportement, sous charges statiques et dynamiques, des bâtiments. La jeune génération aurait tendance à prendre cela pour du pain bénit, mais le contrôle des résultats de ces simulations est indispensable, et, comme toujours, le bon sens et l’esprit critique sont les plus importants. Je dis toujours ceci à mes collaborateurs : « Si votre calcul donne des résultats différents de ce que vous suggère votre bon sens, alors revoyez votre calcul, car il est certainement faux. »

Comment voyez-vous l’avenir de votre profession?
J’y vois de grands défis et aussi de grandes opportunités. Il y a beaucoup à faire pour éviter le gaspillage des ressources en visant l’économie d’énergie dans tout le processus de construction. Le bon choix des matériaux, en fonction du type d’ouvrage et du lieu, est primordial. L’utilisation du bois, neutre en bilan carbone, commence à prendre de l’ampleur. Le béton n’a pas très bonne presse, du fait que la fabrication du ciment requiert d’importantes émissions de CO2 et qu’il faut prélever de grands volumes de roches et de sables pour sa fabrication. Néanmoins, l’utilisation grandissante de béton recyclé va dans le sens de la préservation des ressources. De plus, des développements intéressants sont en cours actuellement avec la fabrication du béton. En effet, des essais sont réalisés pour stocker dans du béton recyclé, de manière permanente, le CO2 récupéré dans l’air. Voilà un des nombreux défis à relever pour les ingénieurs actuels et futurs.