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De passage en Suisse pour une exposition à la Gallery Brulhart à Genève, l’artiste plasticienne sénégalaise Kine Aw s’est entretenue avec dossiers-publics.ch, revenant sur son parcours et sa démarche, nous faisant part de ses succès ainsi que de ses projets.

Tirant ses influences du cubisme et du surréalisme, Kine Aw dépose sur ses toiles un univers unique et vibrant constitué de corps tout en courbes, d’esprits mystérieux et de symboles mythologiques qui invitent à l’exploration. Exploration des récits fantastiques qui se devinent, exploration de la matière minérale que l’on se surprend à vouloir toucher. Si l’artiste sénégalaise a créé un langage visuel très personnel dont elle maîtrise à merveille la technique et les effets, sa force réside dans l’énergie qui lie les éléments donnés à voir et qui semble émerger d’un vaste fond collectif.

« Actrice motivée et spectatrice inspirée, je transpose mon quotidien de femme dans mon atelier-laboratoire du village des Arts de Dakar, créé à l’initiative de notre premier président poète Léopold Senghor qui souhaitait un incubateur d’art local », explique Kine Aw. Diplômée de l’Ecole Nationale des Arts de Dakar puis titulaire d’un Master d’Art et Culture, elle s’immerge avec passion dans le travail pour tracer sa voie, créer sa signature qui spontanément adopte les codes du cubisme et du surréalisme. Kine explique qu’elle a trouvé son mode d’expression en tirant son inspiration du quotidien, de l’esthétisme féminin intrinsèque à la culture sénégalaise, de la mythologie africaine, mais aussi des contraintes socio-culturelles locales qui s’opposent à la modernité, le tout fondu en une alchimie personnelle.

Kine Aw fondation Cuomo

Dès l’obtention de son diplôme en 2006, son travail attire rapidement l’attention du monde culturel sénégalais, l’amenant à participer à des expositions nationales. Deux ans plus tard, elle est la seule femme sélectionnée puis primée par la fondation Cuomo de Monaco à l’occasion d’une vente aux enchères de jeunes peintres sénégalais.

C’est le départ d’une carrière internationale qui la verra obtenir, entre autres, une résidence artistique en Alsace, exposer à Zurich ou en France à la Fondation Blachère, dont la vocation est de promouvoir les artistes africains. Photo ©Fondation Cuomo

On l’invite également à exposer au Danemark, en Allemagne et même jusqu’en Chine où elle obtient encore une résidence artistique. Mais c’est aux Etats-Unis qu’elle rencontre le plus grand succès avec diverses expositions dans des galeries et des musées à Baltimore, Los Angeles, Miami, New Orleans, Atlanta et Washington DC, où elle donne également des conférences sur le thème de la femme et de l’identité.

« Ma mission est de revaloriser notre héritage identitaire »

Kine Aw

« Enracinement et ouverture, c’est ça ma devise! » affirme-t-elle, se référant de nouveau au président Senghor. Elle décrit alors son combat qui est de rappeler à une jeunesse « en panne de repères », happée par le rouleau compresseur globaliste, que la culture traditionnelle est un véhicule de valeurs qui permet de créer une base pour une identité solide.

Pour son expression artistique, les racines de son inspiration plongent dans l’immense réservoir mythologique féminin africain, faisant surgir des déesses qui appartiennent à l’imaginaire collectif, telle Mami Wata, la déesse des eaux, parfois décrite sous les traits d’une sirène mi-femme mi-poisson ou Mame Coumba Bang, l’esprit féminin du fleuve Sénégal, vénéré dans la ville de Saint-Louis. Comme elle l’explique, ces êtres appartenant au monde surréel font aussi partie du quotidien des africains, reflet d’un microcosme culturel qui se doit d’être préservé. « Venant du berceau de l’humanité qu’est l’Afrique, mon engagement en tant qu’artiste est de relater avec mes moyens d’expression le cheminement de l’humanité, revisitant les anciennes cultures comme celle de l’Egypte antique, par exemple. En résumé, conclut Kine, ma mission est de revaloriser notre héritage identitaire.»

En ce qui concerne ses projets, Kine s’envole le mois prochain pour la Nouvelle-Orléans, invitée par l’Université Xavier de Louisiane afin de mener un projet expérimental dans le domaine de la céramique, plus précisément du patinage de l’argile. Se confiant sur le plus long terme, ses yeux brillent lorsqu’elle évoque son intention de consacrer les deux prochaines années à l’histoire de la musicienne Nina Simone, un hommage qu’elle entend rendre à la force de cette artiste exceptionnelle.

L’exposition Regarde-moi, à laquelle participent les artistes Kiné Aw, Anastasie Langu Lawinner, Mauricette Djengue et Amy Celestina, a lieu jusqu’au 11 mars à la Gallery Brulhart, Rue des Vollandes 21, dans le quartier des Eaux-Vives à Genève. Photo ©Bertrand Rey / Gallery Brulhart

Regarder « Kiné Aw, de l’autre côté du miroir », un mini documentaire réalisé par Pape Theodore Seye