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Antonio Hodgers, Président du Conseil d’Etat chargé du département du territoire, revient sur les chantiers réalisés et les projets en cours dans le cadre du développement urbain. Dans ce contexte, la protection de l’environnement est, pour lui, une priorité.

Dossiers Publics: Les villes intelligentes et les écoquartiers sont-ils vraiment l’avenir dans le bassin lémanique? Comment cela se retranscrira-t-il selon vous en termes économiques, écologiques et sociaux?

Antonio Hodgers: Les écoquartiers ne sont pas une musique d’avenir mais déjà bien implantés dans le tissu urbain genevois. Je pense par exemple  à l’écoquartier des Vergers à Meyrin, qui accueillera 3000 nouveaux habitants d’ici 2020, ces quartiers durables sont une nécessité de nos jours pour respecter au mieux notre environnement, être performant en matière énergétique et favoriser les liens sociaux. Ce nouveau mode d’habiter allie plusieurs axes d’importance qui manifestement correspondent aux attentes de la population en matière de qualité urbaine.

Les villes intelligentes, aussi appelées «Smart cities», permettent d’articuler la révolution numérique avec la qualité attendue dans les villes. Les applications potentielles sont multiples, par exemple en matière de gestion de la mobilité ou d’accès aux donnés du territoire. L’essentiel me semble être que ces dispositifs servent d’abord l’intérêt général.

Quels sont à votre avis les opportunités et les risques de ce regroupement local de représentants de différentes couches de la population (transculturalité, commerce de proximité, inclusivité …)?

La mixité, qu’elle soit culturelle, sociale ou d’activités, représente à mes yeux plus d’atouts et d’opportunités que de risques. La mixité sociale par exemple passe par la définition des types de logements à réaliser dans chaque quartier. Nous devons tendre à un ratio de 1/3 de logements sociaux, 1/3 de locatifs pour la classe moyenne et 1/3 de propriétés par étage pour la classe moyenne et supérieure. Ce mélange des catégories permet d’éviter le phénomène des ghettos ou la gentrification de quartiers entiers, néfastes au vivre ensemble. Car un quartier ne se résume pas uniquement à un alignement d’immeubles, il lui faut une âme; il faut certes créer du logement, mais aussi y proposer des liens sociaux entre les habitants.

En quoi consiste la stratégie énergétique 2050, adoptée par le conseil Fédéral?

Elle a pour but une société à 2000 Watts sans nucléaire, c’est-à-dire qui ne consomme pas plus que ce que la planète peut lui donner. Concrètement, au niveau suisse, il s’agit de diviser par trois la consommation énergétique par personne d’ici 2050 et de développer les énergies renouvelables, comme le solaire, l’éolien, l’hydraulique ou la biomasse, pour couvrir trois quarts des besoins.

Quels sont les grands axes prévus par le canton de Genève pour mettre en œuvre tout cela?

Pour Genève, l’objectif intermédiaire de réduire la consommation thermique d’énergie fossile annuelle par personne de -29% d’ici 2020 (objectif fixé en 2000) a déjà été atteint en 2016! La prochaine étape est d’atteindre ­une baisse de 53 % de consommation en 2035. D’ici 2023 déjà, nous visons une diminution de 10 % de watts par habitant.

Nous travaillons sur deux principaux projets d’importance à Genève : la géothermie profonde et Genilac. Le premier consiste à utiliser la chaleur de la terre pour le chauffage ou la production d’électricité. C’est une source d’énergie locale, propre, renouvelable et disponible en continu. La géothermie pourrait couvrir environ 20% des besoins de chaleur du canton d’ici à une vingtaine d’années. Le second, Genilac, est un réseau qui utilise l’eau du lac pour amener du chaud et du froid au centre-ville et dans le secteur de l’aéroport. Je mentionnerai aussi les toits de Genève qui représentent une belle opportunité : l’objectif est de doubler tous les cinq ans la production d’énergie solaire.


Le forage exploratoire de Satigny, réalisé dans le cadre du programme de géothermie profonde: GEothermie 2020

Quel budget a été alloué au Canton pour les rénovations énergétiques?

Concernant les rénovations énergétiques, le Canton en collaboration avec la Confédération, via le programme Bâtiments, offre chaque année des subventions généreuses aux propriétaires immobiliers. En 2019, ce sont 35 millions de francs qui sont mis à disposition pour effectuer une rénovation énergétique d’un bâtiment, contre 32 millions en 2018 et 25 millions en 2017.

Un quartier ne se résume pas uniquement à un alignement d’immeubles, il lui faut une âme; il faut certes créer du logement, mais aussi y proposer du lien social entre les habitants

Quels sont les avantages qu’offre le canton pour inciter les propriétaires à la rénovation?

Le Canton de Genève et les services industriels de Genève (SIG) unissent désormais leurs forces pour accélérer la transition énergétique du canton. Cela se concrétise par la mise en œuvre de mesures conjointes. Il s’agit, d’une part, de favoriser la rénovation énergétique du bâti grâce aux subventions coordonnées entre la Confédération, le Canton et les SIG et, d’autre part, de trouver des solutions inédites pour encourager les initiatives de rénovation. Ces mesures permettent d’apporter un coup d’accélérateur à l’assainissement énergétique du parc immobilier genevois ainsi qu’au développement des énergies renouvelables. Par exemple, les économies d’énergie réalisées depuis plus de dix ans grâce au programme SIG-éco21 et la rénovation énergétique du domaine bâti permettent au canton de Genève d’être un leader de la transition énergétique.

Le Canton a aussi engagé des partenariats avec des grands consommateurs, des acteurs du secteur de l’hôtellerie et des propriétaires de parc immobilier pour réaliser un audit de leur consommation énergétique.

Les communes genevoises s’emparent aussi de cette problématique. C’est le cas de Bernex avec son programme «Sortir du Mazout», dont l’objectif est de réduire de 96 % la consommation de mazout à l’horizon 2030 ou encore le projet pilote «Onex-Rénove», qui a pour but de faciliter et d’encourager les rénovations énergétiques des bâtiments de la Cité.

Quel impact le Léman Express aura-t-il sur l’urbanisme?

Le Léman Express, c’est bien plus qu’une ligne de transport. Cet axe ferroviaire deviendra la colonne vertébrale du développement urbain du canton avec de nouveaux quartiers qui naissent le long de la ligne. Autour des cinq gares en construction côté suisse et celle d’Annemasse, de nouveaux quartiers vont voir le jour avec pas moins de 3000 logements en perspective. Le Léman Express permettra aussi de relier les nouveaux quartiers, tels que ceux des Cherpines, ainsi que les secteurs de l’aéroport et de Sécheron.

Ce nouvel axe de transport agira comme un aimant pour construire la ville de demain que l’on souhaite être celle des courtes distances. Par ailleurs, le Conseil d’Etat prévoit de mettre à disposition de la population une offre supplémentaire de 20 % de transports collectifs par rapport à 2019. Cela se traduira notamment par un grand nombre de rabattements de lignes vers les gares du Léman Express, qui vont fortement modifier les habitudes en termes de mobilité à Genève et dans la région.

Genève est l’un des six cantons romands les plus actifs en termes de constructions (tous chantiers confondus). L’impact environnemental a-t-il été calculé? Quelles mesures ont été mises en place pour protéger l’environnement?

La protection de notre environnement, qu’il soit naturel ou bâti, me tient à cœur. Il s’agit de protéger la zone agricole, les cours d’eau, les forêts et de construire des centres urbains là où cela a du sens. Le développement urbain est à inscrire dans une logique de durabilité. L’aménagement du territoire doit diminuer son impact sur l’environnement et intégrer des notions de transition énergétique, de protection de la zone agricole et de corridors biologiques. C’est justement là que réside l’un des principaux enjeux du Projet d’agglomération, car la nature ne se préoccupe pas des frontières humaines; les pénétrantes de verdure sont à préserver selon une approche de nature «sauvage».

Désirez-vous aussi combiner ville dense et nature?

Nous devons aussi pouvoir combiner la ville dense avec la nature : construire «la ville en ville» est un moyen de préserver des espaces de nature intacts! Vivre en ville est le mode le plus écologique, c’est à dire avec le moins d’impact possible sur l’environnement. C’est pour cela que nous devons densifier autour des axes de transports publics. Une autre mesure consiste à ramener de la nature en ville, dans les nouveaux quartiers. Nous y planifions la création d’environ 900 000 m2 d’espaces verts, dont 50 % seront des parcs à usage public, soit près de huit fois le parc des Bastions. La plantation d’arbres va aussi s’intensifier et les toits végétalisés sont encouragés par le biais de subventions. Une ville plus végétale et aussi blanche nous aidera à lutter contre le phénomène des îlots de chaleur.